Le Conservatoire

Approche de la notion de Conservatoire appliqué à l’abeille noire

(Apis mellifica mellifica linaeus )

  • Définition et contexte
  • Base biologique
  • Structure et fonctionnement
  • Liens avec la sélection
  • Zone d’action du conservatoire
  • Quel avenir

Ce document reprend une partie des informations issu des deux journées de travail entre Lionel Garnery et les membres du conservatoire du 13 et 14 janvier 2014. Ces informations résultent en grande partie des travaux de L. Garnery. 

Conservatoire Pyrénéen de l’Abeille Noire 

Définition et contexte

Déjà il y a un siècle d’aucun tirait la sonnette d’alarme face à la perte de la biodiversité provoquée par l’homme.

Aujourd’hui, fait acquis ; de plus en plus de personnes essaient de remédier à cela !

De la conférence de Rio à de multiples projet de conservation, la mobilisation se veut à la dimension des problèmes recensés.

Loin d’être une démarche romantique et passéiste, la conservation fait appel à des connaissances et des compétences de plus en plus poussées. Les moyens à mettre en œuvre sont eux à la mesure des risques vitaux que nous encourrons désormais.

« La conservation de la nature est à l’origine de la  biologie de la conservation, science nouvelle appliquant les principes de l’écologie, de la biogéographie et de l’écologie du paysage, ainsi que de la dynamique et de la génétique des populations. L’anthropologie, les sciences économiques et la sociologie sont également mises à contribution, dans un triple objectif de restauration, protection et/ou gestion de la biodiversité »

L’abeille mellifère en tant qu’espèce générique est concernée par ces questionnements au travers de l’impact humain sur son environnement et jusque sur sa propre biologie lorsque l’homme l’exploite .

Une des solutions est de se préoccuper de l’abeille au travers des différentes sous espèces géographiques apparues au fil des millénaires et d’en assurer la protection dans leurs biotopes spécifiques .

Nous savons que le mode de reproduction spécifique ( polyandrie lors de l’accouplement des reines en vol libre) de l’espèce ne permet pas à l’homme d’en assurer le contrôle sauf à induire une pression de sélection (insémination artificielle) entraînant une perte très importante de diversité génétique .

En outre, aujourd’hui l’importation d’autres sous-espèces originaire d’Europe centrale, orientale etc… a provoqué un phénomène de croisement contrôlée ( ??) ou non, débouchant sur des populations d’abeilles, soit en état de dépendance alimentaire et sanitaire vis a vis de l’homme soit ayant perdu leur adaptation à leur environnement.

Un conservatoire d’abeille visera donc à assurer la protection d’une sous-espèce d’Apis Mellifera dans son biotope d’origine (valeur adaptative). En France la seule abeille originelle susceptible d’être protégé est Apis Mellifica Mellifica dite Abeille noire a l’exclusion de tout autre.

Cette protection passe par la maîtrise d’un territoire défini par les paramètres biologiques spécifiques à l’espèce et s’appuie sur la définition ci-dessus qui recense les multiples paramètres à prendre en compte.

Base biologique

Le premier aspect fondamental concernant l’abeille mellifère est que dans le cadre de sa relation à l’homme elle ne peut être considérée comme un animal domestique au sens de l’élevage moderne.

L’homme vise à adapter l’animal à une pratique d’élevage en effectuant une restriction de déplacement des animaux, à assurer la maîtrise de la reproduction, la maîtrise de l’alimentation, la maîtrise sanitaire, en spécialisant ceux-ci vers des productions précises.

Et si l’éleveur d’abeilles vise aussi à la spécialiser vers des productions spécifiques, la connaissance et la pratique nous montrent que les régulations sophistiquées qui régissent la vie de l’abeille échappent tant à notre compréhension qu’à notre contrôle et que lorsque nous inter-agissons trop fortement dans ces mécanismes, nous nous rendons responsables d’une partie des problèmes de survie que subit l’abeille aujourd’hui .

Les connaissances actuelles (L.G. CNRS) définissent l’abeille sur un territoire (nous parlons ici d’une population naturelle d’abeilles noires à valeur adaptative), structuré en unités de reproduction impliquant un périmètre et un nombre de colonies.

Une unité de reproduction échappe au problème de consanguinité propre aux petites populations par la polyandrie de la reproduction et la disparition des non valeurs adaptatives ainsi que par la diffusion de gêne extérieure par introgression .

Elle couvre un territoire de 3 km de rayon et est composée d’environ 350 colonies.

Ce territoire de 2800 ha permet donc à chaque colonie de disposer de 8 ha de zone de butinage, ce qui est confirmé par les travaux actuels sur la question (estimation entre 5 et 15 ha) et qui précise que fréquemment le facteur limitant est l’offre alimentaire de fin d’été.

Ces connaissances nous renseignent aussi sur les chargements que les apiculteurs peuvent pratiquer sur un territoire sachant que le rayon utile d’une colonie en production apicole est de 1000 m environ.

Ce territoire et ces colonies définis comme unité de reproduction, mettent en jeu les mécanismes de reproduction spécifique de l’abeille.

Les fécondations en vol libre montrent que celles-ci ont lieu à des emplacements précis. Emplacements vers lesquels les reines sont attirées et lieux où les mâles se regroupent pour former des congrégations de mâles.

Ces congrégations sont fixes et stables dans le temps et pluriannuellement. Elles correspondent pour les mâles a un déplacement maxi de 3 km.

Il peut exister plusieurs congrégations sur un même territoire, dés lors, l’étude génétique des mâles présents dans chaque congrégation montre une répartition quantitative homogène des mâles (issue de l’ensemble des mâles d’un rayon de 3 km dans les différentes congrégations).

Cela correspond à un mécanisme complémentaire à la polyandrie afin d’assurer la diffusion des gênes à l’intérieur de l’espèce .

La vision spatiale qu’il faut avoir de ces phénomènes doit prendre en compte la ou les colonies productrices de reines comme étant au cœur d’un dispositif de fécondation de 3 km de rayon et que les règles précédemment citées vont servir à définir la structure d’un conservatoire sur les plans géographique et technique.

Structure et fonctionnement

Le chapitre précédent nous montre les grandes lignes de ce que devrait être un conservatoire.

Un territoire de 3 km de rayon dans lequel n’existe que des abeilles noires, au nombre de 350 colonies doublé d’une zone tampon de 4 km supplémentaires à enrichir progressivement en abeilles noires afin de sécuriser le dispositif.

Il est bien entendu que ce travail ne peut se faire qu’en partenariat avec, d’une part les apiculteurs du territoire environnant et d’autre part les propriétaires et collectivités locales .

Si l’on compare la surface occupée par un conservatoire (zone de protection) soit 28 km2, à la surface du département de l’Ariège – 4890 km2 – , ce projet occuperait 0.57 % du territoire .

Sachant que, le projet, est un projet collectif visant à proposer d’autres alternatives aux apiculteurs.

Le fondement d’un conservatoire est la protection et à l’inverse de l’apiculture de production aucun travail de sélection améliorant ne sera effectué afin de conserver la totalité du pool génétique existant.

L’objectif visé étant la valeur adaptative, la création même du conservatoire est un travail de sélection naturelle. Les interventions apicoles sur les ruches sont réduites au minimum :

Division simple en cas de fièvre d’essaimage

Contrôle de l’état sanitaire et traitement

Gestion des provisions (au maximum leur propre récolte)

Test hygiénique

Avec, sur la totalité des colonies un suivi dévaluation comportementale complété d’une pesée annuelle (récolte incluse pour définir la production) permettant de classer et d’indexer les meilleurs colonies.

Ainsi chaque année les meilleures reines seront multipliées (analyse génétique) soit en production interne, soit en production externalisée et fécondées sur site afin de diffuser la souche d’abeille noire du conservatoire.

La destination de ces reines est : soit un usage direct par les apiculteurs, soit à des éleveurs sélectionneurs .

En outre la possibilité de faire effectuer des fécondations sur place sera offerte (cahier des charges) pour des éleveurs extérieurs.

Liens avec la sélection

Une structure de sélection sera développée en parallèle au conservatoire (dans la zone tampon et au-delà) afin de travailler sur les critères de production.

Les deux critères principaux sont la résistance au varroas et la productivité globale.

Le travail de sélection permettra de produire des reines améliorantes et des index économiques pour l’apiculture.

Le système de sélection devra être couplé au réseau BEEBREED (sélection modèle BLUP animal) sur la base d’une sélection divergente entre l’origine mâle issu du conservatoire (valeur adaptative) et une sélection massale pour les femelles sur un cheptel en sélection à l’intérieur d’un réseau

« Sélection et testage ».

Zone d’action du conservatoire

www.sig-pyrenees.net/le-coin-des-cartographes/cartoweb

La zone d’action est une zone à identité géographique et climatique du massif pyrénéen .

Limitée à l’Ouest par la vallée de Baretous (influence océanique) en Pyrénées atlantique et à l’Est par le pays d’Olmes en Ariège et le plateau de Sault dans l’Aude, à la limite de l’influence méditerranéenne.

Les deux cartes ci-dessous montrent en rouge les limites du massif Pyrénéen et identifient vallée par vallée la zone d’action.

Quel avenir ?

L’apiculture comme tous les élevages suit les mutations sociales et économiques de nos sociétés.

Désormais les citoyens veulent vivre dans un environnement sain et manger de même. L’agriculture biologique se développe pour répondre à ces demandes.

Les fondements de cette agriculture rejoignent les préoccupations d’un conservatoire d’abeilles et s’il apparaît une évidence, c’est que les apiculteurs bio ont les mêmes préoccupations.

Mais autant un producteur de lait bio n’élève pas des Prim’holstein pour réaliser sa production, autant en apiculture bio on élève trop fréquemment, leurs équivalents en abeilles (hybrides multiples / Buckfast)

Un non sens absolu qui prétend utiliser des animaux issu de l’agriculture industriel pour faire une apiculture respectueuse de l’environnement.

L’abeille noire, grâce à son adaptation à son environnement permet une apiculture à faible intrant énergétique et technologique, certes moins productive, mais moins coûteuse en temps et dont les marges net supérieures permettent de pérenniser l’activité apicole.

Et demain face aux contraintes énergétiques qui arrivent, un modèle d’apiculture basé sur une abeille locale sera certainement le seul pouvant se revendiquer d’une apiculture durable.